Les conscrits

ÊTRE CONSCRIT

Il avait vingt ans ; c’était son année de conscrit, que les jeunes Bressans célèbrent par toutes sortes d’exploits. Au mois de janvier, avec les dix-huit garçons de son village, nés comme lui en 1934, ses conscrits, il avait fait le tour, dix-huit jours durant, de toutes les fermes pour quêter les fonds nécessaires au grand banquet qui s’était célébré le dix-neuvième jour. Autant de jours de quête que de conscrits dans la commune, telle est la coutume en Bresse.

Les jeunes gens font irruption dans les cours, parés d’autant de cocardes et de rubans que les indigènes de la Nouvelle Guinée de plumes, de masques et de tatouages pour la célébration des Fêtes de la Virilité. Ils exécutent des danses, dont le rythme est marqué par des claquements de talon et les variations accompagnées par une sorte de hululement, modulé différemment dans chaque village, un cri de guerre paroissial ; le mouvement s’accélère graduellement jusqu’à épuisement des danseurs ; ensuite, on offre à boire et à manger.

Pendant toute cette période, les conscrits veillent chaque soir chez l’un d’eux, à tour de rôle ; on boit énormément de marc, qui ne manque pas, tous les fermiers de la région étant bouilleurs de cru. Le banquet qui clôtura ces dix-huit jours d’une orgie que les ethnographes appelleraient rituelle, dura quarante-huit heures. Il y fut bu quatre hectolitres d’un vin blanc de Noa, bon marché et âcre, mais riche en alcaloïdes qui excitent au plus haut point les nerfs moteurs, et près d’un hectolitre de marc. Les jeunes filles nées la même année, les conscrites des conscrits, furent invitées au premier repas, qui dura de midi à six heures, mais se retirèrent, comme il est de coutume, quand les garçons commencèrent à être ivres.

Roger Vailland, originaire de Meillonnas près de Bourg-en-Bresse, décrivant la période des « amusements » dans son roman « 325.000 F » (1955)

Historiquement, la fête des conscrits a pour origine les rassemblements de jeunes pour le tirage au sort des soldats de l’Empire. En 1798, la loi Jourdan instituait le Service National (la conscription), pour tous les citoyens hommes de vingt à vingt-cinq ans. Un tirage au sort dans chaque canton désignait chaque année les appelés au contingent. Être conscrit c’était aussi être « bon pour le service », c’est à dire « être un homme ».

C’était aussi, souvent, être obligé de partir, être arraché par l’autorité à son terroir et à sa famille, pour « servir la Nation ». A certaines époques, cela signifiait n’être pas sûr de revenir… « combattre n’est rien lorsqu’on s’en revient » dit la chanson.

Le rassemblement des jeunes hommes au chef-lieu de canton avait lieu dans une ambiance d’exaltation et d’angoisse. Plus qu’une fête, c’était une parade, mêlant le défoulement, l’exhibition et l’allégeance aux autorités ou à l’idéal national. Les cris, les danses, les défis, les emblèmes et les marques symboliques, vestimentaires et gestuelles, sont pourtant restés vivaces dans les rituels conscrits d’aujourd’hui, dans un contexte bien différent. Sans doute sont-ils l’écho d’autres nécessités sociales plus permanentes.

La fête actuelle des conscrits, qui est liée aussi à la « fête des classes », rassemble garçons et filles, jeunes et vieux. C’est une célébration des âges de la vie, de l’enracinement local, et l’apothéose de la jeunesse. Drame sonore et coloré, mise en musique exubérante et omniprésente des tournées, banquets et défilés, le cycle intarissable des festivités conscrites représente aujourd’hui l’antique tradition des sociétés de jeunesse et leurs réjouissances. Et aussi, dans la variance illimitée des répertoires et des sonorités, la sacralisation vitale par le souffle et par le rythme, le renouvellement perpétuel des saisons et des vies.

Il aurait fallu voir la mairie de Phalsbourg le matin du 15 Janvier 1813, pendant le tirage. Aujourd’hui, c’est quelque chose de perdre à la conscription, d’être forcé d’abandonner ses parents, ses amis, son village, ses boeufs et ses terres, pour aller apprendre, Dieu sait où : « Une… deusse ! Une… deusse ! Halte ! … Tête droite… tête gauche… fixe ! … Portez armes ! … etc… » Oui, c’est quelque chose, mais on en revient ; on peut se dire avec quelque confiance : « Dans sept ans, je retrouverai mon vieux nid, mes parents et peut-être aussi mon amoureuse… J’aurai vu le monde… j’aurai même des titres pour être garde forestier ou gendarme ! »cela console les gens raisonnables. Mais dans ce temps-là, quand vous aviez le malheur de perdre, c’était fini ; sur cent, souvent pas un ne revenait : l’idée de partir définitivement ne pouvait presque pas vous entrer dans la tête.

Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813, publié en 1864.

LES DIVERTISSEMENTS ET LES AMUSEMENTS

Ils commençaient à se divertir vers le jour de l’an. Chaque dimanche ils se montraient à la sortie de la messe et des vêpres, sautaient au son du tambour et de la clarinette, en brandissant crânement leurs outils, ils cherchaient ensuite leurs bonnes amies dans la foule et les emmenaient danser et boire un coup. Pendant la semaine qui suivait le tirage, les conscrits faisaient la fête, surtout dans les communes d’une certaine importance. Tout conscrit un peu aisé qui avait pris un bon numéro offrait à dîner ou à souper à ses camarades. On continuait à sauter et à danser et bien souvent les garçons et les filles du village venaient passer la veillée avec eux.. Les derniers temps, les conscrits parcouraient les hameaux pour quêter des oeufs. Ces oeufs servaient à confectionner des gâteaux ou des matefaims pour la clôture des réjouissances. Denis Bressan, « Histoire d’un campagnard », 1899.

TOURNÉE, TOURNÉES

Ça commence au mois de novembre, jusqu’au mois de février. Maintenant, la tournée se passe pendant les vacances de Noël. Ce sont les conscrits qui organisent. Nous on commençait à la Toussaint à porter les cocardes. Tous les samedi soir on portait une cocarde. On dansait, on mangeait un bout de pain, on redansait après, ça durait jusqu’au jour… Comme moi, j’étais musicien, j’y allais : je jouais l’accordéon ou la clarinette, pour changer un peu dans la soirée… Autrement, il y a des classes qui n’avaient pas de musicien, ils prenaient un tourne-disque, un gros tourne-disque qu’ils traînaient avec un chariot ! Quand ça avait assez dansé, je jouais des airs de conscrit à la clarinette…

Robert Boully, les Chaudys.

On commence à jouer à l’ entrée de la cour, on joue jusqu’à ce qu’ils viennent ouvrir. Une fois qu’ils ont ouvert, j’arrête, les conscrits rentrent, on s’asseoit, on discute, ils demandent : qui c’est celui-là… c’est le fils d’un tel… on boit un canon… ils mettent une fleurette pour avoir une étrenne… puis on s’en va, on va à une autre. Là, je joue jusqu’à la sortie de la cour. Quand les maisons sont près, on rejoue aussi sec ! On joue deux fois, en rentrant puis en sortant.

Tandis qu’autrefois, je parle de çà il y a quinze ans en arrière, il fallait toujours jouer une valse ou un rigodon pour sauter en conscrit dans les maisons ! Mais maintenant ça ne se fait plus, on mettrait plein de boue… Autrefois, on avait des « grandes maisons, ça sautait autour de la grande table.

Robert Boully, Les Chaudys, 4 Février 1986. *La « grande maison » (la « mâjon » en patois) désigne la pièce centrale de l’habitation traditionnelle bressane. Elle faisait fréquemment 60 à 80 m2 dans les grandes fermes.

LA TOURNÉE

Rituellement vers la même époque, au coeur de l’hiver, les conscrits procèdent à la tournée des maisons.

Par tous les temps, pluies, neiges et vents, brouillasses et gelées, ou soleil piquant de l’hiver, le pays bressan est sillonné des hordes hurlantes et fanfaronnantes des conscrits. Il leur faut quêter méthodiquement leur appartenance villageoise, exorciser une sauvagerie transitoire et codée, tisser le réseau subtil des âges de la vie, des initiations et des allégeances, des dons et des provendes.

Bon, puis après, ben ma foi, on va porter des brioches chez le Maire et les deux adjoints, puis les instituteurs, puis au curé.

Puis après on va au monument au morts, porter la gerbe, puis après on est redescendu au bistrot pour faire l’appel pour casser la croûte quoi !

Alors là on joue en sortant, puis tout le monde suit… s’il veut suivre hein ! Robert Boully, Les Chaudys, 4 Février 1986.

C’était les années après la guerre, c’était tout juste remis en gaieté… Après ça avait redémarré en 53-54. Alors là, ça jouait pour les conscrits ! Je jouais du saxo pour faire danser dans les maisons : « Quelle heure est-il ? », « Fleur de Paris »… c’était toute la nuit ! Des fois j’avait envie d’éternuer, je me retenais parce que j’étais tout seul… Et pis ça y allait parce que les voisines elles étaient toutes invitées chez le conscrit pour souper… Il y avait quelquefois une douzaine de filles : allez, allez ! Pis des phonos, ben y’en n’avait point, pis pas de tourne-disque… Le jour où il y a eu le tourne-disque, les musiciens ils ont fait Ouf ! Ils étaient avec les vieux en train de manger de la brioche ! _ On disait : maintenant on fait un petit rigodon et après on s’tire ! Il y a passé une dizaine d’années, ben fallait gagner nos sous ! Fallait faire le tourne-disque ! Toute la nuit, c’était pas drôle !

Gaston Laclayat, Brondière, 22 juillet 1986

Ah oui, on passe partout, dans toutes les maisons ! Oui parce que si on passe pas, on entend dire : tiens, les conscrits sont pas venus cette année, comment ça se fait, on est mal vu ? Il ne faut pas en oublier. Il y en a d’autres qui ne nous acceptent pas, mais ils sont rares : il y en a qui viennent d’un peu loin, ils ne savent pas bien ce que c’est… Robert Boully, Les Chaudys, 4 Février 1986.

L’OBOLE

Les conscrits, en arrivant devant les maisons, disaient une formule, « l’obole » : »on vedre n’etren’na pe’ aller in viozou pe faire jouétè le poulaille »(on voudrait une étrenne pour aller en pèlerinage pour faire faire des oeufs aux poules !). On leur donnait une étrenne ou un oeuf, les vieilles des fois leurs donnaient un oeuf… des fois on leur donnait vingt sous, dans les maisons riches, c’en était parlé de ces vingt sous ! Pensez, les pauvres donnaient quarante sous et les riches vingt sous… Ils le chantaient dans les maisons ! Des vieilles qu’on disait riches, elles donnaient un oeuf !

Andréa Guillermin, Saint Trivier de Courtes, 25 juillet 1986

RITUELS DE TRANSMISSION

« A Curciat, le dimanche de la fête des conscrits, il y avait la passation de « la branche ». Ça se passait dans la montée à l’entrée du bourg, vers l’église. Les « croûtonniers » prenaient la place des conscrits. Un conscrit descendait la Branche. il fallait qu’un croûtonnier la remonte… Ils se passaient le droit de conscrit… en musique !  » Henri Basset, Montrachy, 16 juillet 1986

 

Enterrement de la classe le lendemain du banquet qui avait eu lieu le dimanche. Lundi matin jour de marché il fallait une charrette à bras pour coucher la classe au dessus c’était un conscrit couvert d’une tenture quelconque. Devant cette charrette marchait le curé, toujours un conscrit avec une robe noire prêtée par une âme charitable ; avec une calotte noire à côté de lui marchait l’enfant de choeur avec un seau , une goutte d’eau un goupillon et une balayette trouvés chez une bonne âme ; ensuite toute la classe suivait ce cortège, drapeau drapé de noir, tous ces braves conscrits pleurnichaient, les musiciens suivaient avec quelques rares notes funèbres. Derrière le cortège suivaient les sous-conscrits qui chantaient « elle est morte elle ne reviendra plus » et un piston ou un accordéon qui jouaient des airs de conscrits ; les gens du marché étaient bien contents de voir cette fête. Mais il y avait une blague ; la première année que j’ai vu ce défilé, j’ai été curieuse, je ne savais pas. J’ai voulu voir quel conscrit était couché dans la charrette : j’ai été bénie ! La curiosité ça se paye. Mais j’ai constaté que je n’étais pas la seule personne à se laisser prendre, l’année suivante je me renseignais de loin. Noté dans son cahier de souvenirs par Andréa Guillermin, Saint-Trivier de Courtes.

LE RÉPERTOIRE

 

FACE A

 

A1 Les conscrits sont là, mais on n’les voit guère
Les conscrits sont là, mais on n’les voit pas
Et si on les voit, on n’les entend guère
Et si on les voit, on n’les entend pas.
Aymé Pommatau, chant. Originaire de Salavre, A.Pomatau animait les « bals de grange » dans sa jeunesse. Il menait les conscrits avec son compère Roger Culat : tous deux jouaient aussi bien la vielle que la clarinette.

A2 Saint Didier d’Aussiat. La tournée des conscrits – 4 Février 1979.
Ce jour-là, les conscrits et les sous-conscrits ont rendu visite à toutes les maisons du quartier des Quatre Charrières.
Les musiciens sont : Michel Mignot, au tambour, et Raymond Guillemot à la clarinette.
« Il se trouve que j’essaye d’en inventer, des rigodons, pour changer, pour qu’on n’ait pas toujours à jouer les mêmes Parce qu’autrefois, on faisait quinze jours de tournée, au bout d’un moment, c’était rasoir, pour celui qui jouait, et puis aussi pour celui qui entendait ! Alors moi ça m’est venu à l’idée d’en trouver d’autres » (Raymond Guillemot)

A3 La tournée à Curciat-Dongalon dans les années 30.
Henri Basset raconte

A4 Les conscrits sur le marché à Pont de Veyle – le 2 mars 1992.
Afin de compléter leur cagnotte, mais aussi pour se montrer à la population, s’amuser et se rencontrer entre groupes de conscrits des villages alentour, les conscrits vont à la petite ville voisine le jour du marché. A Pont de Veyle où la tradition est bien conservée, chaque groupe arrive avec ses musiciens. La musique et le son des conscrits font partie de la rumeur du marché, l’hiver Parfois, il y a des confrontations et des rivalités simulées et rigolardes entre groupes. Il faut bien jouer à l’esprit de clocher de nos grands-pères, pour encore mieux se sentir chez soi, au chaud dans l’arrière-salle du bistrot où on mange l’omelette ou les crêpes arrosées au pastis, après la matinée pluvieuse passée à écumer les passants entre les étals et piquer des fleurettes au revers des gabardines. Les musiciens du jour : Jean-Pierre Lacour (clarinette) et Jacques Chaffaud dit « l’Américain » (tambour) avec les conscrits de St Jean sur Veyle, et dans le lointain, Gaston Laclayat et Joseph Châtelet, avec les conscrits de Cormoranche.
« Ah, mais on faisait tous les marchés, oui ! Le jeudi, c’était à Vonnas, le lundi à Pont de Veyle, le mardi à Bâgé, le mercredi on allait à Bourg, avec les chansons, on en vendait hein ! donc, le vendredi à Mézériat et le samedi à Châtillon ! »

A5 Les conscrits de Morval.
Paul Lambert (clarinette).
« Les conscrits de chez nous, grand dieu qu’ils ont de peine la nuit et le jour, Ils s’en vont, par tous les temps, cherchant de l’agrément, le divertissement Le divertissement, c’est d’y avoir d’l’argent pour vivre son comptant En y chantant, ami buvons, à la santé des filles qui ont des amants Si j’avais un tambour, qui soit couvert de roses et de fleurs d’amour Je m’en irais tambouriner la porte d’ma maîtresse pour la réveiller
Réveillez-vous la belle, ne faites pas l’endormie quand je viens vous voir, Je viens pourtant vous dire adieu, pour la dernière fois avec les larmes aux yeux. »
Paul Lambert a mené les conscrits, les visites aux filles, les masques, dans la Haute-Vallée du Suran.

A6 La chanson du soldat
Valéry Putin.
Inutile de rechercher la version originale de cette chanson : Valéry Putin ne sait chanter que par émotion, collant des images et des formules rémanentes du chansonnier « Conscrits et Paysans » : sa manière de dire la vie et la guerre, sans haine ni complaisance, et la dignité dérisoire de la chair à canon.

A7 Messe de la St Antoine. Église de Saint Nizier le Bouchoux.
La fête de la St Antoine, le troisième dimanche de janvier, est traditionnellement le jour de la fête des conscrits à St Nizier le Bouchoux. Ce jour-là, l’Union Musicale accompagne la messe, puis le défilé et la farandole des conscrits.

A8 Feillens. Après la messe, en attendant la photo. Mars 1979
Les musiciens : Édouard Constant (clarinette), Gilbert Sulpice (tambour) Édouard Constant (né en 1904) a fêté en 1979 le cinquantenaire de sa participation à la fête des conscrits à Feillens ! Jouant aussi du saxophone, il participait également à des Sociétés de musique, et à des orchestres de bal (Bal Bourcet, Bal Grappin, etc), avec son frère, joueur de piston.
Gilbert Sulpice, nettement plus jeune, n’en est pas moins un grand continuateur de la tradition, à Feillens en particulier, puisqu’il est toujours fidèle à cette fête, avec Gaston Laclayat aujourd’hui. Gilbert Sulpice a appris par lui-même le jeu des percussions, lorsque étant gamin, il s’est bricolé sa première batterie. Aujourd’hui, il est musicien pour les conscrits, et batteur dans un orchestre de bal.

A9 Défilé des conscrits avec la batterie fanfare de Feillens. 5 Avril 1992.

A10 Lors de l’apéritif en l’honneur des conscrits. Feillens. 5 Avril 1992.
Gilbert Sulpice : Tambour, Gaston Laclayat : Clarinette Gaston Laclayat, facteur de son état, est régulièrement musicien pour les conscrits chaque hiver, du mois de Janvier au début d’Avril. A l’âge de 11 ans, son père lui paye sa première clarinette, en billets verts : c’était la fin de la guerre. Ils vont la chercher à Mâcon en vélo. Depuis l’âge de 18 ans, il mène les conscrits. Certains hivers, les tournées duraient trois mois. « J’étais agriculteur chez mon père. Quand on avait fini le bois, il me laissait aller. Il n’y avait pas de tourne-disque, on ne pouvait pas s’échapper ! »

A11 Défilé des conscrits. Tournée du village. Feillens. 6 avril 1986.
La journée commence par la messe, puis par la photo solennelle de toutes les classes, avec chapeaux, rubans et cocardes. Ensuite le défilé se met en place : fanfare en tête, les différentes classes âge par âge, de 10 ans à 90 ans, ces derniers étant embarqués dans des voitures anciennes bien astiquées. Au milieu du cortège, les conscrits et conscrites de 18 et de 20 ans sont accompagnés par leurs musiciens :
Gaston Laclayat et Gilbert Sulpice, clarinette et tambour. Cette année là, les conscrits se sont entassés sur une jeep enrubannée. Cris, sifflets, et coups de klaxons se mêlent aux vociférations et aux modulations insolites de la musique des conscrits
Le défilé, de la place de l’église à la salle communale où se tient le banquet, sinue dans les rues de l’agglomération, non sans faire étape pour l’apéro dans diverses salles de la ville. Gaston et Gilbert jouent alors quelques valses, polkas et le traditionnel :
Meïon vin don, deri la fagontire
Meïon vin don, dincho lou rigoudon

 

FACE B

B1 Le conscrit quand il partira laissera les autres dans la misère
le conscrit quand il partira laissera les autres dans les embarras
A la guerre il faut s’y faire dans les combats il faut des soldats
A la guerre il faut s’y faire dans les combats il faut des soldats !
Aymé Pommatau (chant)

B2 La veille du tirage… Paul Lambert (clarinette)
La veille du tirage, la belle fondit en larmes (bis)
Toujours pleurant, toujours en soupirant,
Toujours en regrettant le sort de son aimant

B3 Banquet des conscrits et des classes à Saint Didier d’Aussiat, Février 1979.
Le banquet commence tard : Mais il dure longtemps ! Entre chaque plat, farandoles et chansons. Un ancien se lève : Hyppolyte Verne s’installe sur la scène avec une chaise et un couteau, repousse son chapeau en arrière, et pédalant sur une machine imaginaire, lance la chanson du rémouleur.

B4 Le dimanche de la fête des conscrits à Vonnas. Mars 1979
1/ rigodon, 2/ valse
A la sortie de la messe, la farandole est conduite par Jules Perat à la clarinette, et Gaston Desmaris au tambour. Cet ensemble très sobre et efficace représente une sonorité qu’on n’a plus guère l’habitude d’entendre.
Le rigodon, qui fait partie des standards, connu partout où la musique de conscrit a laissé des traces dans la continuité de l’aire bressane, est interprété d’une manière plus rythmique que véloce, avec une modulation provenant d’un pincement de l’anche, qui est très éloignée de la technique classique enseignée dans les fanfares. Jules Perat est un « routinier », c’est-à-dire un musicien qui s’est formé « par l’oreille », sans recours à l’écriture musicale.

B5 Défilé des conscrits à Replonges et séance de la photo.
Toutes les petites villes du Val de Saône, riches et économiquement dynamiques, ont une démographie qui, contrairement aux petits villages de l’intérieur de la Bresse, leur permet d’avoir des « classes » de conscrits bien fournies. Les fêtes de conscrits y sont réellement fastueuses avec en particulier des défilés où participent de nombreuses sociétés locales et invitées. Les conscrits de 19 à 20 ans ne sont pas en reste. Ils ont leur propres musiciens et ont à cur de ne pas passer inaperçus et de contribuer avec énergie au paysage sonore. L’Alerte de Replonges est reconnue comme une des meilleures harmonies-fanfares de la région. Dynamique, innovante, elle forme d’excellents tambours. La Photo des classes est un lourd rituel qui exige le savoir-faire de photographes spécialisés.

B6 Les conscrits de cette année n’ont point de barbe sous le nez
Pommatau, chant.

B7 Jour des conscrits à Curtafond – Mars 1992.
Après la messe, où a été distribuée la brioche bénie par les conscrits, on procède à la photo, avec les musiciens. Puis la farandole se forme. On va ensuite déposer une gerbe au monument aux morts, puis apporter la brioche des conscrits à différentes notabilités, avant de se retrouver à la salle des fêtes pour l’apéritif, en attendant les classards pour le banquet.
Cérémonies modestes, mais traditions bien établies dans ce petit village où les conscrits et sous-conscrits ne sont jamais plus d’une vingtaine. Et l’on n’imagine pas la fête sans les musiciens : André Renoud (clarinette) et Christian Coldonat (tambour), cette année là.

B8 Conscrits joignons nous bien,
mettons nous en chemin, oh braves jurassiens !
Ne versez pas de larmes
Faut y prendre les armes
D’un grand cur nous irons servir la nation !
Paul Lambert (clarinette).

B9 Le Rigodon à Joubert : Les Fafieulles. Glaude Comtet.

B10 Brin d’amour, valse.
Gaston Mettret, accordéon diatonique.

B11 La fête des Bordes à Neuville-les-Dames. 1992
La fanfare : l’Écho du Renom
Les musiciens des conscrits : René Morel, dit Nénès (clarinette)
Cette année, le temps est clément et la « Rô » qui fait bien la hauteur d’une maison, s’embrase d’un coup on y voit clair, et les conscrits mâles et femelles peuvent se vautrer à leur aise dans les flaques de purin préparées à leur intention. Gare à celui qui s’approche un peu trop de la fangeuse poursuite, à laquelle se mêle un « fantôme », blanc au début. Nénès lui-même a failli en être victime, mais ce n’est pas la tradition, et certains se sont vite interposés : le musicien doit être respecté. C’est lui qui apprivoise la troupe sauvage et la ramènera tout à l’heure à la civilisation, manger la tarte et boire le pétillant à la salle des fêtes. (Extrait du journal local)

B12 Y’en a point comme nous.
Pommatau, chant
Y’en a point comme nous,
Pour se rouler dans la paille,
Y’en a point comme nous, y’en a point comme nous
Pour se rouler dans lou ballon